Comme chaque année à cette date, la Cour des comptes vient de produire un rapport sur l'analyse des finances publiques de l'année écoulée et les perspectives pour la nouvelle année.
En voici une lecture rapide centrée sur les dépenses de Santé.
I – A propos des dépenses de santé
Sur l'ensemble des 44 chapitres du rapport, 5 sont consacrés à cette thématique de façon très fragmentaire.
Nous allons les résumer successivement par citation des passages essentiels.
Ch 21 - Le dossier patient informatisé de l'AP des hôpitaux de Marseille
« Pendant trois années, la mise en œuvre du projet a connu huit reports successifs de calendrier pour aboutir à un constat d’échec. L'incompréhension entre le prestataire et la direction informatique de l'hôpital, la faiblesse du pilotage national de l'informatique hospitalière. »
Ch 22 - Le patrimoine immobilier des hôpitaux non affecté aux soins
« Le premier enjeu est financier. Sur la période 2002 -2010, le patrimoine privé a rapporté 83 millions d'euros, Paris, Lyon et Beaune totalisant 60% des recettes et l'AP des hôpitaux disposant à elle seule de plus de 11 000 logements. Le potentiel de valorisation est bien supérieur en termes de résultats d'exploitation et de produits de cession. Il faut mettre fin aux dérives de cette politique de logement, définir une stratégie, affirmer le rôle des ARS dans le pilotage. »
Ch 26 - La lutte contre le cancer
« C'est un "satisfecit. L’Etat a attendu janvier 2011 pour signer un premier contrat d' objectif et de performance avec l'INCA, mais celui-ci a expressément donné suite aux analyses et préconisations de la Cour. »
Ch 34 - La prise en charge des personnes âgées dans le système de soins
« Des progrès trop lents ! L’AM ne fait pas des personnes âgées une cible privilégiée de ses actions de santé publique. L’effort de formation de médecins doit être intensifié. Les effectifs des enseignants de gériatrie restent inférieurs aux objectifs. La formation continue des médecins et l'acquisition de la capacité en gérontologie sont trop faibles en matière de médicaments. La réévaluation de la prescription en gériatrie est insuffisante : à l'hôpital, seuls 13% de services d'urgence disposent d'une filière spécifique complète d'accueil et de soins en gériatrie. La coordination de prises en charge médicales et sociales constitue un enjeu central. »
Ch 42 - La politique de périnatalité
« L’urgence d'une remobilisation ! Avec un taux global d'environ 3,8 décès avant un an pour 1 000 naissances vivantes, la mortalité infantile reste stable en France alors qu'elle recule dans d'autres pays européens. Notre pays est ainsi passé du 7ème rang européen en 1999 au 20ème (sur 30 pays) en 2009 au classement de mortalité infantile !
L'essentiel de marges d'amélioration, signalait déjà la Cour en 2006, est à attendre de politiques ciblées sur les départements d 'outre mer et sur les femmes en situation d'exclusion. Or, sur les 90 mesures du plan périnatalité 2005 -2007, 15% n'ont pas été initiées et 30% l'ont été de façon partielle, les mesures visant les populations défavorisées étant les plus souvent négligées. »
Avant d 'envisager la réflexion que l'on peut tirer de ces quelques exemples de dysfonctionnement du système de Santé signalés par la Cour, voyons ensemble les remarques que celle-ci préconise dans la gestion de l'ensemble des finances publiques.
II – La gestion de l’ensemble des finances publiques
La toile de fond principale est l'existence en France d'un déficit très supérieur à la moyenne de la zone euro en 2011 !
Après avoir dépassé 7% en 2009 et 2010, il devrait être en 2011 proche de la prévision, soit à 5,7% du PIB, soit nettement supérieur à la moyenne de la zone euro (hors France) la dette atteignant environ 1 700 Mds d’euros fin 2O11, soit 85% du PIB. Tout va donc reposer, comme on le répète depuis de nombreuses années, sur un mixte de ralentissement des dépenses (ou de la croissance des dépenses ?) sans altérer la qualité du système (la fameuse efficience !) et sur une hausse (équilibrée !) des prélèvements obligatoires, le tout dépendant aussi de la conjoncture économique nationale et internationale.
III – Essai d’une synthèse
Mettre en parallèle, comme je l'ai proposé, le problème de l'équilibre des finances globales du pays et un très petit nombre d’exemples de dysfonctionnements de notre gigantesque et complexe système de santé (dont Pierre Laroque, son créateur, disait en octobre 1945 « qu'il était si complexe que personne ne pourrait le réformer ») paraît vraiment une gageure !
Et pourtant, et pourtant !
Dans ce même article, où je citais Pierre Laroque, article consacré à "Un demi siècle de réformes du système de santé français" ! (Concours médical de septembre 2011), je formulais à propos de l'optimisation de la qualité dans le domaine de la santé, comme d'ailleurs dans tous les domaines, la nécessité de 1) connaître ce qui est fait et 2) apprécier si ce qui est fait est bien fait !
La connaissance repose sur un recueil exhaustif des données complètes et catégorisées rendu possible par leur informatisation et l'appréciation de la qualité des résultats ou des évolutions repose sur leur expertise par des personnes qualifiées.
Pour expliciter le processus, reprenons les exemples du document de la Cour des comptes
1- Le dossier patient de l’APHM ?
On est au cœur du sujet avec simplement un mauvais pilotage tant local que national
2- Le patrimoine immobilier d'une structure hospitalière ?
Données incomplètes ? Ou camouflées ?
3 - Lutte contre le cancer ?
Mieux depuis la fixation d’objectifs et d’indicateurs de performance
4 - Soins aux personnes âgées ?
Formation des médecins, spécialisation, adaptation de médicaments, urgences, coordination médico-sociale.
L'absence de recommandations et de contrôle des pratiques est dominante ! La première étude de l'accueil dans les EHPADs a été faite il y a 2 ans, par envoi de questionnaire sans visite et avec un très fort pourcentage de non réponses.
5 – Périnatalité ?
Les statistiques existent, semble-t-il, dans ce domaine et elles sont impressionnantes. Mais ont-elles été consultées ?
Peut-être non ? Il s'agit ici en majorité de marginaux et de gens de couleur !
On ne peut qu’être frappé de la quasi similitude des carences de notre système de santé dénoncées dans le cinq exemples choisis par la Cour, à savoir : l’insuffisance majeure du recueil des données individuelles des patients, liée en grande partie au retard de l’informatisation et la carence d’expertise des données par des personnes qualifiées.
Et pourtant !
1- Concernant les dossiers
- a) Les ordonnances Juppé de 1996 avaient ouvert le chantier de l’informatisation du dossier médical
- b) La réforme Douste-Blazy de 2004 avait fait du Dossier Médical Personnel un pilier essentiel du système
- c) Et, dans son rapport de 2009, le HCCAM « regrette que la mise à jour de ce dossier n’ait pas été mise en œuvre et que la période pour sa généralisation progressive soit estimée à 10 ans ».
2 – Concernant l’expertise et la promotion de la performance
On se félicite beaucoup en haut lieu de la signature récente d’une convention finançant (de façon certes modeste) la prescription du dosage de l’HbA1c chez les diabétiques, la surveillance de la tension artérielle chez les hypertendus, un recours plus fréquent aux génériques et toute une série de mesures plus basiques et élémentaires que porteuses d’un grand progrès qualitatif.
Un long chemin reste à parcourir… Ne tardons pas trop !