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lundi 12 avril 2010

Cinquième risque dépendance (reproduit d'Industrie pharmaceutique hebdo)

Ce n’est qu’une fois achevé le chantier de la réforme des retraites que le gouvernement devrait présenter un projet de loi sur le cinquième risque de la protection sociale. J'ai dressé un état des lieux de la situation actuelle et analysé les obstacles qu’il conviendrait de lever pour mettre en place un tel dispositif. Industrie Pharmaceutique Hebdo a publié le fruit de ma réflexion et m'a autorisé de le diffuser ici.


I - Préambule

Le thème de cet article est né du télescopage de deux événements personnels récents : le véritable «
parcours du combattant » que fut la fin de vie d’une parente « âgée » plongée dans le dédale inextricable de sa prise en charge et la lecture stupéfiante d’une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Dress) du ministère de la Santé intitulée « La Santé 2008 » qui souligne mot à mot : « Le secteur médico-social est exclu du domaine de la santé, au sens des Comptes nationaux en base 2000, car il prend en charge des perturbations durables, voire définitives de l’état de santé, alors que la fonction “santé” des Comptes nationaux est définie comme l’ensemble des actions qui concourent à la prévention et au traitement d’une perturbation provisoire de l’état de santé ».

On ne manque pas d’être surpris par la frontière ainsi mise en place entre les perturbations durables et provisoires de l’état de santé, et ceci à un moment où les progrès impressionnants de la science biomédicale ont réduit massivement la fréquence des affections aiguës et ont souvent transformé les maladies qu’elle ne savait pas guérir complètement et définitivement en affections de longue durée (ALD). Pour s’en convaincre, il suffit de parcourir la liste des ALD qui sont à l’origine de 79 % des décès, concernent 8,7millions d’assurés sociaux, dont plus de la moitié a 60 ans ou plus et sont à l’origine de 60 % des dépenses maladie remboursées.

I - État des lieux

Il convient d’établir une distinction entre la prise en charge des soins et celle du handicap. La prise en charge du soin correspond au traitement proprement dit, ce que les anglo-saxons désignent sous le nom de
Cure alors que les handicaps qui accompagnent presque toujours la maladie chronique correspondent au Care. C’est à ce stade que le goût national pour la segmentation et la complexité réglementaire s’est donné libre cours! Qu’on en juge…

1) Les services

En France, le handicap est scindé en deux entités : le handicap des enfants et adultes de moins de 60 ans et celui des adultes de plus de 60 ans qui perdent le qualificatif de «
handicapés » pour devenir des « personnes âgées dépendantes ». Pour concrétiser cette différence, on va assurer à ces deux structures, bien que toutes deux décentralisées, des gestions différentes.

a) L’allocation personnelle d’autonomie attribuée (APA)


Pour les handicapés de 60 ans et plus, devenus « dépendants », il a été créé l’APA dédiée en 2009 à 1177000 personnes pour un montant de 4,9milliards d’euros (2004). Cette somme correspond à une prise en charge d’aides et de services, pour un montant variable suivant le degré du handicap (les groupes isoressources ou GIR) et le montant des ressources du patient. Cette somme varie également suivant que le patient reste à domicile (61 %) – 494 euros de moyenne mensuelle –, ou qu’il soit hébergé en établissement (39 %) – 461 euros. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) paye 33 % de ces sommes et les départements 67 % (71 % en 2010).

b) La prestation de compensation du handicap (PCH)


Pour les handicapés de moins de 60 ans, il existe une allocation de même nature, baptisée PCH. Elle concerne un nombre plus réduit de personnes, mais en forte croissance : 43000 en 2008, 71000 en 2009. Son montant est plus élevé que pour l’APA, soit 980 euros de moyenne mensuelle pour un total de 1 milliard d’euros payé à parité par le CNSA et les départements. Certains plans d’aide financés par la PCH peuvent être d’un montant approchant les 10000 euros par mois pour un handicap lourd. De cette description, on constate la coexistence de deux catégories de lieux de vie pour les handicapés, qu’ils soient âgés ou jeunes : le maintien à domicile (MAD) et l’hébergement en établissement, le MAD, quand il est possible, est la solution la meilleure humainement, familialement, mais aussi économiquement pour la collectivité et pour le patient.

c) Le service des soins infirmiers à domicile (SSIAD)


À cela s’ajoute le SSIAD qui assure à domicile une couverture, jugée modeste, en liaison avec le médecin traitant, et ceci pour 94000 patients en 2008, chiffre qui a doublé en 10 ans, et pour un coût de 1,2 milliard d'euros qui apparaît dans le volet médico-social de l’Ondam.

2) Les structures

a) L’Agence nationale de services à la personne (ANSP)


L’ANSP couvre un éventail de services dépassant très largement celui des handicapés et des dépendants puisque se trouve listés parmi les 21 services : la garde d’enfants, le soutien scolaire, le jardinage, le soin aux animaux domestiques, etc. La Cour des comptes évoquera à ce sujet « une action publique en faveur d’un secteur hétérogène, au contenu et au périmètre fluctuant ». Cette activité mobilise un équivalent plein temps de 108000 personnes et un effort financier annuel de 6,59milliards d’euros pour l’Etat et la Sécurité sociale en 2009, en exonérations fiscales et sociales dont bénéficient 3,4millions de particuliers, 7000 associations et 4700 entreprises. On notera toutefois que la moitié de ces exonérations ont pour bénéficiaires des personnes « fragiles », nouveau concept, concernant indistinctement toutes les personnes de plus de 70 ans.

b) L’Association du service à domicile (ADMR)


L’ADMR est une autre structure associative. C’est un réseau gérant, à l’échelon départemental, 270 services de soins infirmiers et 66 centres de soins avec une large proportion d’aide aux personnes dépendantes âgées demeurées à domicile, le principe étant de coupler l’intervention de salariés et de nombreux bénévoles.

c) L’Hospitalisation à domicile (HAD)


Toujours dans la perspective de retarder ou d’éviter l’hébergement en établissement, voici l’Hospitalisation à domicile (HAD) conduite par Elisabeth Hubert, présidente de la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile. Selon des données extraites d’une de ses interventions récentes, l’HAD est actuellement constituée de 250 établissements accueillant chaque jour 9000 patients avec un objectif de 15000 en 2010. Il existe actuellement 65 % d’HAD publics et 45 % de privés. La journée d’HAD coûte à l’assurance maladie en moyenne 200 euros, chiffre que l’on peut comparer à la journée d’hôpital qui est en moyenne de 750 euros. La dernière enveloppe annuelle de l’HAD pour l’assurance maladie a été de 575millions d’euros. Le profil de la clientèle correspond en général à des pathologies graves, dégénératives, mais seulement 25 % des patients ont plus de 75 ans, ce qui différencie les HAD des établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

d) Les Ehpad


En 2007, la Dress comptabilisait 6855 établissements de ce type hébergeant les 3/4 des résidant en Ehpa (c’est-à-dire non spécifiquement dédiés aux dépendants). Le secteur public assure 58 % de l’accueil, le secteur privé à but non lucratif 26 % et le privé à but lucratif 16 %. Globalement, toujours à fin 2007, le nombre des personnes âgées dépendantes hébergées en établissement était de 657000, avec une croissance du nombre des lits très inférieure à la croissance du nombre des personnes de 75 ans et plus : 166 placespour 1000 personnes en 1996, 140 en 2003, 127 en 2007. Pour l’usager, le coût mensuel moyen d’une personne hébergée en Ehpad est de 2900 euros, montant qui sert essentiellement à contribuer à la rémunération des 347000 salariés des établissements. Un récent rapport de l’Igas souligne, à ce sujet, une grande différence de prix suivant les établissements, de 40 à 120 euros par jour, « sans qu’existe toujours une relation entre le coût et la qualité des prestations ». Ce même rapport met en lumière une donnée essentielle qui est le « reste à charge » relativement très élevé pour le patient hébergé et qui est en moyenne de 2200 euros par mois et des extrêmes de 1500 euros, minimum « incompressible »à 5000 euros dans les établissements luxueux. La durée de séjour étant en moyenne de 37 mois, soit un débours pour une personne âgée dépendante ou pour sa famille de 42000à 107000 euros selon la durée du séjour.

III - Commentaire

Dans ce domaine des soins aux personnes âgées dépendantes, l’état des lieux atteste de l’insuffisance des contributions de solidarité. La contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées, qui apparaît chaque année dans le «
sous objectif médico-social »de l’Ondam pour, en 2008, un montant de 5,1milliards, est à comparer avec une contribution de même nature, de 7milliards pour les personnes handicapées de moins de 60 ans (25 fois moins nombreuses que les personnes dépendantes de 60 ans et plus). Une question annexe concerne la consommation de médicaments dans ces Ehpad. Pris en charge antérieurement par la sécurité sociale, la question de l’intégration de leur coût dans le forfait d’établissement est à l’étude, avec l’espoir comme le remarque le responsable de la mission demandée par le ministre de la Santé, « que cela ne débouche pas sur une recherche arbitraire de diminution du coût des médicaments consommés ou une sélection à l’entrée de malades à “bon profil” dans ce domaine ». Au terme de cette description très incomplète de l’assistance aux aînés dépendants, de nombreuses questions restent en souffrance sur la gravité des problèmes posés par le vieillissement massif de la population, sur la logique de tous ces cloisonnements du système de santé français qui sépare par exemple les maladies aiguës et les maladies chroniques, le handicap des jeunes et celui des seniors et sur l’intérêt de la multiplication incessante des structures et de modes de financement...

IV - Témoignages de spécialistes

J-J. Tregol (2006) : « Le système médico-social atteint aujourd’hui ses limites car il est parcellaire, segmenté et verticalisé ».

Hélène Gisserot (2007), magistrat à la Cour des comptes : « La dépense de prise en charge de la dépendance des personnes âgées représente un peu moins de 1 point du PIB alors que l’assurance maladie représente 10 fois cette somme. Il faut améliorer ce service ». (...) Une solution serait de recentrer la couverture publique sur la population la moins aisée en renvoyant la population la plus aisée sur des mécanismes privés type assurantiel ».

Martine Carillon-Couvreur (2007), député. Arrêtons-nous un peu plus longuement sur un document exhaustif de décembre2007 et émanant de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale et présenté par ce députe sur l’action sociale de la sécurité sociale et des collectivités territoriales. L’auteur signale que « son rapport a été précédé de 28 rapports sur ce sujet depuis 25 ans et cite en particulier la loi de 2002 relative à l’autonomie et la protection des personnes, à la cohésion sociale, à l’exercice de la citoyenneté, à la lutte contre la précarité et la pauvreté, à l’intégration, la formation et l’accompagnement ». De ce document assez complexe de 60 pages, quelques recommandations peuvent être retenues :
— assurer la convergence de politiques en faveur des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées,
— améliorer les services favorisant le maintien à domicile,
— approfondir la question du reste à charge,
— garder en mémoire le rapport de la Cour de Comptes de 2005 sur les personnes âgées dépendantes soulignant que leurs besoins posent un problème crucial de mobilisation des financements,
— réfléchir aux solutions de financement accru que peuvent être l’augmentation de la CSG, la création d’une couverture complémentaire solidaire obligatoire financée par une nouvelle contribution, l’incitation à une assurance individuelle dépendance et la création d’une cinquième branche avec cotisation spécifique pour personnes handicapées et personnes âgées dépendantes.
Le rapport insiste également sur la correction des grandes inégalités territoriales dans ce domaine. Et cette citation importante : «
Il faut améliorer la coordination et décloisonner le social et le médico-social avec le sanitaire ».

Denis Piveteau (2009), conseiller d’Etat : « Il est hautement souhaitable de ne jamais parler des dépenses de soins et des dépenses d’aide à l’autonomie sans avoir en tête leur proximité et la nouvelle organisation régionale va être sur ce sujet un important challenge ».

Xavier Darcos, alors ministre du Travail et de la Solidarité lors de la seconde Journée du cinquième risque. Celui-ci avait confirmé pour les prochaines semaines l’ouverture du fameux chantier du cinquième risque et l’extension envisageable des assurances complémentaires dépendance pouvant être individuelles ou collectives dans les entreprises et pouvant même devenir obligatoires.

Nicolas Sarkozy, président de la République, lors de son discours du nouvel an annonçant, qu’en 2010 « il va falloir relever le défi de la dépendance, qui sera dans les décennies à venir l’un des problèmes les plus douloureux auxquels nos familles seront confrontées ». Que peut-on dire de plus catégorique et de plus convaincant, 20 ans après l’ouverture des débats sur ce thème?

V - Conclusion

Voici pour conclure les dernières dispositions sur ce thème qui devient majeur depuis quelque temps :
— Un décret récent vient de créer une nouvelle structure : la DGCS (direction générale de la cohésion sociale), dépendante du ministère des Affaires sociales avec une sous-direction chargée entre autre de l’autonomie et des personnes âgées.
Est évoqué un gel pour 2010 du budget de l’HAD. Pour stimuler le maintien à domicile des personnes dépendantes?
Une enquête de décembre2010 de l’Agence nationale de l’évaluation de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm) sur la bientraitance dans les 6855 Ehpad s’est soldée par une absence de réponse (24 %), une absence de visite préalable systématique (68 %) et une non-gestion des faits de maltraitance (40 %).
Enfin, une proposition de loi visant à créer une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie a été définitivement adoptée par l’Assemblée nationale le 16 février 2010.




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