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vendredi 27 mars 2009

LA QUALITÉ DU SUIVI DES POLYPECTOMIES COLORECTALES

Que le lecteur me pardonne, si je personnalise mon propos, mais dans ma longue et ancienne pratique gastro-entérologique j'ai toujours eu l'impression d'un compte spécifique à « régler » avec le cancer colorectal. Les milliers de patients que je soignais, qui en décédèrent, ce curieux mélange de répulsion, de crainte et de fatalisme entourant cette pathologie, et surtout cette extraordinaire difficulté, proche de l’inertie, à diffuser les connaissances scientifiques permettant de progresser, très spécialement dans le domaine de la prévention, tout cela devenait une obsession !

Mais venons-en aux faits en matière de dépistage, précisément !


C'est en 1996, il y a 13 ans, qu'un célèbre éditorial du Lancet, commentant sa publication sur les résultats des grands essais britanniques et danois testant l'Hemoccult dans le dépistage en populations d'un cancer ou d'une lésion précancéreuse totalement silencieuse, concluait : « Les responsables de Santé Publique sont devant une évidence claire : le dépistage par Hemoccult peut réduire la mortalité par cancer colorectal, killer » n° 2 (des cancers) en Europe et aux USA ».

En dépit de cette validation scientifique, sans ambiguïté, il a fallu attendre 2002 et le plan Cancer du Président Chirac, annonçant le dépistage par Hemoccult, et la remarquable efficacité du Pr Maraninchi à l'INCA, pour que l'utilisation de ce test soit proposée à la population cible en France entière depuis quelques mois. Certes, c’est une avancée considérable qui devrait progressivement faire diminuer la mortalité par cancer colorectal, qui plafonnait dans les dernières statistiques au-dessus de 16 000 décès par an.

Mais tout progrès suscite de nouveaux problèmes. Parmi ceux-ci, l'un a particulièrement retenu notre attention : c'est le « Suivi des polypectomies » dont nous allons parler enfin après ces longs prolégomènes. Avec le dépistage systématique qui est installé, et vu la grande fréquence de lésions précancéreuses, que l'on estime à plus de 25% chez les plus de 65 ans, le nombre des coloscopies permettant de suivre les patients chez lesquels ces lésions ont été découvertes et traitées par exérèse endoscopique va devenir considérable !
Or le risque de récidive et de transformation en cancer de ces lésions est différent suivant leur nombre, leurs dimensions, leur histologie et les antécédents familiaux !
Pour orienter une décision complexe, existent des référentiels : en France un document de l'HAS, proposant pour chaque malade le délai moyen envisageable, pouvant s'écouler avant la coloscopie de contrôle. C'est donc un bilan de situation que, avec mes collègues cosignataires, nous avons tenté de réaliser dans la région de Bretagne, avec une lettre de mission d'Alain Coulomb, en fonction alors à l'HAS, et avec la participation sans faille de la direction régionale de la CNAMTS, du syndicat national des médecins spécialistes de l'appareil digestif et d'une forte majorité des spécialistes libéraux bretons de cette spécialité.

Suivent maintenant les résultats de cette étude et les premières conclusions que nous en tirons.
Notre propos, dans ce travail, a été d'observer une population de 581 patients ayant subi, en septembre 2002, une polypectomie effectuée par l'un des 86 gastro-entérologues de la région de Bretagne et d'observer, depuis lors, comment les référentiels ont été respectés. Voici les résultats de notre étude à partir de 384 dossiers exploitables : 1) sur sept contrôles programmés à trois mois, cinq l'ont été en temps voulu et deux l'ont été tardivement; 2) sur 102 contrôles programmés à trois ans, 36 l'ont été entre un et trois ans et 66 n'ont pas été effectués; 3) sur 105 contrôles prévus à cinq ans, 49 ont été effectués entre 12 et 61 mois et 56 n'ont pas été réalisés ; 4) sur 131 sujets ne nécessitant théoriquement pas de contrôle dans les dix ans, 49 ont
subi un contrôle à cinq ans, et, parmi eux, 20 étaient porteurs de polypes nouveaux ou non décelés lors de la coloscopie antérieure. D'une façon générale, on peut conclure que les référentiels sont peu respectés, tant du fait des patients que des médecins. On doit encore attendre des progrès, grâce à de grandes campagnes d'information auprès de tous les acteurs concernés, d'études plus approfondies sur l'évolution de différents types de lésions, de référentiels mieux documentés et, enfin, de l'usage amplifié de logiciels dédiés au suivi
des coloscopies et précisant le rythme des contrôles*.
* Extrait de la revue Oncologie (2009) 11: 95-100

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