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dimanche 18 octobre 2009

Le Plan Obama versus la réforme santé à la Française : quelle comparaison

Les problèmes (que nous espérons passagers) que rencontre le président OBAMA dans sa grande entreprise de réforme du système de Santé américain nous interpellent, car nous avons en France une longue histoire et une riche expérience des difficultés que rencontrent les réformateurs dans ce domaine.




A - Survolons rapidement ce projet en utilisant le résumé du discours présidentiel du 9 septembre 2009,  affiché sur le site Internet de la Maison Blanche. En voici quelques extraits.
 
1      Je vais procurer plus de sécurité et plus de stabilité à ceux qui ont une Assurance Santé
-       les différences de primes en fonction de l’âge seront limitées
-       les annulations de contrats du fait de la survenue secondaire d’une affection grave et coûteuse seront interdites
-       le reste à charge des assurés sera fortement réduit
-       les actes de prévention, tels que la mammographie, seront intégralement pris en charge
-       Les bénéficiaires du Medicare verront leur couverture, en particulier pour les médicaments, améliorée


2      Je vais procurer une assurance Santé à ceux qui n’en ont pas
-       je vais créer un nouveau dispositif d’Assurance de qualité et à prix abordable, baptisé Exchange, qui sera opérationnel en 2013, mais avec des solutions transitoires pour assurer sans attendre la couverture des sujets à haut risque et en situation précaire de façon efficace et peu coûteuse
-       de toute façon, les personnes satisfaites de leur assurance peuvent la conserver
-       ceux qui perdent leur job ou changent de job pourront obtenir une assurance
-       des crédits d’impôts aideront les familles nécessiteuses à payer leurs primes
-       les petites entreprises bénéficieront de crédits d’impôts pour donner accès à tout leur personnel à une Assurance de qualité
-       tous ces choix  se faisant sur la base du volontariat entre l’option « publique » et les options privées


3      Pour tous les Américains, il y aura des freins concernant le coût pour les familles, pour les entreprises et pour les finances de l’Etat
- Ce Plan (je souligne) ne doit pas ajouter un dime (un dixième de dollar) aux déficits actuels et futurs de dépenses de santé.
- Ce plan amorce la réforme qui va à la fois infléchir sur le long terme la croissance des dépenses et améliorer de la protection et de la prévention.
- Ce plan repose donc sur des économies, mais aussi sur de nouveaux revenus tels qu’une contribution spécifique des Assurances privées vendant des contrats très onéreux.
- Des plans d’économies supplémentaires peuvent être décidés si le déficit continue à croître.
- Des incitations doivent être proposées à tous les acteurs pour,  par exemple,  réduire les réadmissions hospitalières, développer les maisons médicales, assurer de meilleures coordinations.
- Une commission indépendante présentera chaque année au Congrès un rapport sur fraudes, gaspillages et abus dans le cadre de Medicare.


B - Dans un second temps, examinons ce Plan OBAMA au regard de l’expérience et de réformes successives en France au cours des dernières décennies.


Et ceci pour constater d’abord que la situation du système de santé américain est beaucoup plus préoccupante que la nôtre, avec une couverture très médiocre et surtout très inéquitable comme on le voit à chaque ligne du plan OBAMA, associée à une dépense globale de 15 % du PIB, un record mondial !


Mais la surprise apparaît surtout quand apparaît dans le plan la notion catégorique que l’amélioration de la qualité et de la couverture du système va se faire avec (et on pense même parfois « favoriser ») la réduction de la croissance des dépenses !


On retrouve là, en plein éclat, un dogme que de nombreux spécialistes, économistes et politiciens répètent inlassablement en tous pays depuis des décennies et que l’on peut résumer ainsi : tous les systèmes de santé des pays développés posent le même problème. Une qualité et une couverture insuffisantes associées à une dépense dont la croissance, dépassant  régulièrement celle du PIB, devient insoutenable. Et la solution qui vient alors est infailliblement : perfectionnons la qualité, et la croissance des dépenses diminuera ! Ce qui revient à faire porter la responsabilité prioritaire des dépenses insoutenables aux fameux « gaspillages » (dont par ailleurs nous ne nions pas l’existence).


Quelques exemples français de ce discours
« Aucune explication objective ne justifie une augmentation des dépenses  (J-M. Spaeth).
«  Mon plan (qui ne fut pas appliqué) qui établit des soins pour tous, dans la démarche qualité, ne nécessite aucune contribution supplémentaire des assurés et des entreprises et aucune modification des niveaux moyens de prise en charge  (G. Johanet).
« Maîtriser les dépenses de Sécurité Sociale par des procédures médicales qui veillent à la qualité des soins est le seul chemin qui permettra de sortir de l’alternative entre l’accroissement des prélèvements obligatoires et la diminution de niveau de la couverture sociale (A. Juppé, 1996).


C - Que penser de tout cela ?


Premièrement, que la recherche de qualité du système de soins doit demeurer obsessionnelle mais qu’il est évident qu’elle ne peut se borner à la lutte contre les gaspillages et les fraudes en tous genres.
Le soin optimal pour tous, c’est un véritable « rocher de Sysiphe » à pousser devant nous, sans jamais atteindre le sommet.
La complexification des outils, médicaments qui accèdent aux génomes, chirurgie qui transplante des organes, imagerie qui met à nu  tout notre organisme (et cela va continuer) domine le débat.


Et cette foule immense, plus de 2 millions de personnes qui, de la « vedette » nobélisable au personnel hospitalier d’entretien, anime cette immense machine à soigner !
Assurer la perfection du fonctionnement de ce monstre est un objectif illusoire, mais la recherche d’une amélioration forte et permanente d’un système qui évolue sans arrêt est une nécessité absolue et longtemps négligée, sauf dans le domaine du médicament ou des événements dramatiques et déjà anciens, nous ont forcé la main depuis déjà quelques décennies !


La tâche est immense, nécessitant des structures spécifiques, des moyens financiers, mais aussi des outils sophistiqués, essentiellement informatiques, permettant, ce qui est basique, de savoir jour après jour et ceci pour chacun d’entre nous, comment nous sommes soignés, et enfin que les professionnels eux-mêmes acceptent tous de voir leur pratique appréciée par des tiers sans la moindre réticence !


Toutes ces exigences, toutes ces évolutions jointes au succès même du système qui augmente régulièrement notre espérance de vie et, ipso facto, notre rencontre des affections chroniques  du grand âge. Tout ceci donc explique, en grande partie, la croissance forte et régulière des dépenses de santé, légitimes, s’ajoutant, si l’on veut, aux illégitimes évoquées plus haut !


Deuxièmement, et dès lors qu’il s’avère que la seule  recherche volontariste de qualité, de toute façon bien timide jusqu'à ce jour, ne suffira pas, hélas à résoudre le problème crucial d’une croissance insoutenable de dépenses de santé, en dépassant les promesses non tenues à l’issue de chaque plan de financement où l’on ne cesse de « poser des rustines avec, comme recette, une petite part d’économie, une grosse portion de recettes et un saupoudrage de transfert ». (J-C. Chamelat)


D - Que peut-on proposer sur le moyen et le long terme ?


Une nouvelle étape, après la validation de l’utilité de la qualité et de la cohérence de tous les éléments constitutifs de ce gigantesque système (à savoir médicaments, dispositifs, toutes les interventions humaines, du cabinet libéral jusqu’à la maison pour personnes dépendantes, en passant par le service chirurgical de pointe) va consister à fixer et à réévaluer constamment le juste prix de ces élément du puzzle. Là encore le médicament a été précurseur dans le cadre du CEPS, mais beaucoup reste a faire pour le juste prix des interventions humaines (dans le cadre des CCAM, par exemple).


Et, finalement, nous arrivons au total fatidique et exorbitant des dépenses de santé.


Mais là, nous attend une nouvelle surprise : la multiplication des additions !
La plus grosse - elle pesait 215 milliards d'euros en 2008 - est la dépense courante de santé  ou DCS et regroupe toutes les dépenses (non capitalistiques) des financeurs de santé publics et privés.
Vient ensuite la consommation de soins et biens médicaux ou CSBM, moins lourde (encore que…) avec ses 170 milliards, car elle exclut de l'addition les dépenses de recherche, de formation, de gestion, les indemnités journalières et (à savoir pourquoi ?) les dépenses de prévention et les soins aux personnes âgés en établissement !
Et enfin apparait l'ONDAM ou objectif national des dépenses d’Assurance maladie que tous connaissent et qui donne lieu à des débats au Parlement chaque année. D'un montant de  153 milliards en 2008, il chiffre la prise en charge par la Sécurité sociale c’est-à-dire par la solidarité nationale, d'une large partie exactement 75,5% des dépenses de santé des Français figurant dans le CSBM, soit 128,8 milliards auxquels s'ajoutent, pour atteindre le montant total de l'ONDAM, diverses prises en charge, pour personnes âgées ou handicapées, des indemnités pour pathologie du travail etc.


Au total, une architecture complexe, pas toujours logique, des zones de transparence inégale et, pour finir, cette question qui devient angoissante : comment financer ?


Comment financer ?


1 – Continuer à emprunter chaque année en laissant le remboursement de la dette aux futures générations.


2 – Limiter la mise à disposition des patients de nouvelles technologies très coûteuses quand leur utilité n’est pas majeure (type chimiothérapie retardant la mort de quelques mois).


3 – Augmenter les recettes obligatoires en augmentant éventuellement leur progressivité en fonction des revenus.


4 – Déplacer de plus en plus les couvertures de soins qui, bien qu’étant validées, ne sont pas d’importance vitale vers les Assurances complémentaires, en y mettant un peu d’ordre.


5 – Laisser enfin aux dépenses personnelles des ménages des soins eux aussi validés mais de bénéfice marginal.


Comme on peut le constater, le problème est vaste et les choix difficiles.
On remarquera néanmoins que, si l’on est encore ici aux frontières des notions de qualité et d’utilité du domaine technico scientifique, les décisions financières à prendre sont, quant à elles, strictement politiques et sociales, donc sous la responsabilité du Parlement et de l’Etat.
Avec toujours en tête ce rappel de la Cour des Comptes que la dette sociale (où la santé tient une place de choix) a atteint pour 2008 le montant de 129.9 milliards d’euros.


« Bon vent aux réformateurs des deux côtés de l’Atlantique » !


 Article paru dans Industrie Hebdo Oct 2009

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